J'ai eu le bonheur en mars 1999 de mesurer de l'intérieur de la grotte de Lascaux l'azimut de son entrée. J'ai alors été certaine qu'à l'époque de la création de la fresque pariétale, les derniers rayons solaires des jours les plus longs de l'année pénétaient chaque été par le porche ouvrant sur l'horizon nord-ouest. Cette ouverture avant qu'elle ne soit bouchée par un éboulement était dans l'axe de la lourde porte de bronze fermant actuellement le sanctuaire. Alors ces soirs-là comme par magie, les rayons lumineux du couchant donnaient la vie aux animaux peints sur les parois de la Salle des Taureaux puis, se glissant jusqu'au fond du Diverticule axial faisaient apparaître quelques instants la tête et le poitrail du "Cheval renversé."
Depuis que j'ai admiré les peintures de la Salle des Taureaux en étant au centre de celle-ci, je les considère comme l'entière mise en scène circulaire de la succession des constellations zodiacales traversées par le Soleil en une année. La représentation animale de cette farandole sur les parois de cette partie de la caverne est formée, organisée, alignée, tels qu'apparaissaient les astérismes à cette époque au cours d'une nuit estivale. Ces constellations étaient donc déjà imaginées par les Magdaléniens anciens comme des animaux.
Cette mise en scène zoomorphe serait actuellement le modèle réduit complet, le plus ancien connu de cette partie du globe céleste appelé zodiaque par l'astronome moderne ; autrement dit le reflet de la culture géographique, cosmographique et cosmogonique des premiers Magdaléniens.
En ce temps là, le Soleil brillait en été dans la constellation du Verseau et le point vernal était tout proche de l'étoile Graffias du Scorpion. (point de l'écliptique où le Soleil ayant 0° de déclinaison quitte l'hémisphère céleste sud pour monter dans l'hémisphère céleste nord. C'est alors le printemps.)
Quand le Soleil se couchait en été, c'était donc la constellation qui était bien qu'invisible, juste en face de l'entrée de la grotte de Lascaux. Quant au point vernal comme encore de nos jours, peu après le coucher du Soleil, il se trouvait à environ 60° d'azimut. La différence est qu'à notre époque bien qu'ayant le même azimut au même moment de l'année, il est encore dans la constellation des Poissons.
En se plaçant au centre de la salle, ce modèle reproduit sur la partie de la paroi nord proche de l'entrée du Diverticule axial, la vision des formes animales que ces Paléolithiques artistes de génie voyaient apparaitre au fur et à mesure du déroulement de la nuit estivale ; soit les constellations qui se levaient en allant le soir du sud-est au nord-est au moment du petit matin (Lion, Vierge, Balance selon l'appellation moderne.)
Ils ont positionné, puis représenté symboliquement sur la paroi sud, à droite en entrant dans la salle, les constellations qu'ils voyaient déjà levées et même hautes au moment de l'apparition des étoiles dans le firmament au-dessus de Lascaux, pendant ces courtes nuits d'été. Du sud-est à l'ouest, ils pouvaient admirer le Cancer, les Gémeaux, le Taureau, le Bélier. Les poissons proches du nord-ouest étaient trop éclairés pour être vus. Il en était de même du Verseau puisqu'il accompagnait l'astre du jour.
Les constellations entre le nord-est et le nord ouest du ciel (à cette époque, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne) ont vraisemblablement été étudiés par les Paléolithiques au cours de la nuit de l'hiver, évidemment plus longue, qui permettaient aux étoiles de briller encore juste avant l'aube en montrant un ciel identique à celui du début de la nuit estivale. Ces peintures les plus proches de la Rotonde, l'autre appellation de la Salle des Taureaux, étaient alignées le soir en été avec la position qu'avaient alors ces constellations. A gauche, tout de suite en entrant on voit la Licorne en place du Capricorne qui au coucher du Soleil venait de pénétrer sous l'horizon ; la suite des chevaux noirs et le grand cheval rouge en place du Sagittaire et d'Ophuichus : le grand Aurochs moucheté était aligné avec la constellation que nous appelons le Scorpion au coeur de la Voie lactée.